Une recherche démontre un impact sur l’activité cérébrale, bien que les conséquences à long terme demeurent incertaines
Environ un Montréalais sur quatre consomme une certaine forme d’antidépresseur et, selon une nouvelle recherche, ces médicaments sont transportés par les canalisations d’eau et ont un effet sur les poissons. Cette découverte revêt une importance à l’échelon international puisque le système de traitement des eaux usées de la municipalité ressemble à ceux des autres grandes villes et qu’il est par ailleurs reconnu comme le troisième plus grand système de traitement au monde. Dirigée par le professeur Sébastien Sauvé du Département de chimie de l’Université de Montréal et André Lajeunesse, doctorant, l’équipe de recherche a découvert que les médicaments s’accumulent dans les tissus des poissons et influencent leur activité cérébrale.
Le Saint-Laurent est une voie navigable internationale de grande importance qui relie l’océan Atlantique aux Grands Lacs, et il entoure l’île de Montréal. Depuis des années, le professeur Sauvé étudie la pollution causée par les produits chimiques transportés dans le réseau d’aqueduc. « Montréal possède un réseau d’égout très rudimentaire, a-t-il expliqué, la Ville ne retirant pratiquement que les matières solides et l’eau ne faisant l’objet d’aucune désinfection. De toute façon, la structure chimique des antidépresseurs les rend extrêmement difficiles à retirer des eaux d’égout, même en utilisant les systèmes les plus sophistiqués qui soient. »
« Nous savons que les antidépresseurs ont des effets secondaires nocifs sur les êtres humains », a déclaré Sébastien Sauvé, « mais nous ne savons pas exactement comment ces produits chimiques ont un impact sur les poissons non plus que sur l’écosystème du fleuve Saint-Laurent. » Malgré un manque de renseignement sur la toxicité que pourraient causer ces substances, le groupe de recherche propose un outil intéressant pour retracer les effets biologiques précoces des antidépresseurs. « Puisque la toxicité aiguë des antidépresseurs est moins probable chez les organismes aquatiques, la toxicité chronique demeure possible. Ainsi, le biomarqueur suggéré qui intervient dans la régulation de la sérotonine cérébrale pourrait représenter un moyen prometteur de déterminer les effets biologiques subtils sur les poissons », a expliqué Monsieur Lajeunesse. Une toxicité chronique signifie des dommages résultant d’une exposition à long terme, alors qu’une toxicité aiguë fait référence à des dommages plus immédiats suivant un seul incident à haute dose. La sérotonine est une composante chimique importante qui joue un rôle dans les sentiments de joie. On l’appelle souvent l’hormone du bonheur.
Monsieur Sauvé a rapidement signalé qu’il n’y avait pas de danger immédiat pour les humains. « La quantité d’antidépresseurs libérés dans notre fleuve se compare approximativement à l’équivalent d’un grain de sel dans une piscine olympique », a-t-il précisé. « Ce n’est pas suffisant pour avoir un effet sur les gens, s’ils sont assez braves pour pêcher dans le fleuve. Je m’inquiéterais davantage des métaux-traces! Néanmoins, nous observons une influence sur l’écosystème du fleuve, ce qui devrait susciter l’attention de toutes les villes. » Des travaux effectués par d’autres équipes examineront ce que pourraient être les conséquences de manière plus précise.
La recherche a été financée par le Plan de gestion des produits chimiques de Santé Canada, le Plan d’action Saint-Laurent et la Fondation canadienne pour l’innovation. Ils ont été publiés en ligne par Chemosphere, le 5 janvier 2011. Christian Gagnon, François Gagné, et Séverine Louis d’Environnement Canada et Patrick ?ejka de la Station d’épuration des eaux usées de Montréal ont contribué.
Liens
Article paru dans Chemosphere (doi:10.1016/j.chemosphere.2010.12.026)
Laboratoire du professeur Sébastien Sauvé
Département de chimie de l’Université de Montréal
Source: William Raillant-Clark – Université de Montréal
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